Le bus

Le bus

« Bonjour, un ticket s'il vous plaît »
Et c'est parti pour une vingtaine de minutes.
Une foule de gens passe, ces gens que je n'ai jamais vus, qui montent et descendent par vague.  

Il y a, devant moi, ces petits pépés qui discutent entre eux, de « comme c'était bien avant » et « la jeunesse ce n'est plus ce que c'était ». Derrière eux, cette petite vieille qui discute avec la jeune fille assise à côté d'elle, parce qu'elle est « mignonne » et qu'elle lui « fait penser à sa petite fille qui doit avoir le même âge ». Il y a aussi cette petite mamie un peu renfrognée sur elle-même qui parle toute seule ou à son chien, et qui tient son caddie fermement en main de peur que quelqu'un ne vienne lui voler ses courses.

Un peu plus loin, là-bas,  je vois cette dame qui rentre du super marché. Elle a trois sacs énormes, et cherche en vain du regard une âme compatissante qui voudra lui laisser sa place. Peine perdue elle s'adosse à la barrière centrale, tenant ses courses entre ses jambes en luttant à chaque virage pour ne pas tomber.  Elle descendra d'ailleurs au prochain arrêt et un homme l'aidera à porter ses sacs. « Merci beaucoup monsieur »
Au même arrêt monte un jeune, qui au bout de deux minutes met la musique à fond sur son portable, cette musique insoutenable qui a le don d'énerver tout le monde. Mais personne ne dit rien parce que si on dit quelque chose, ça va faire un scandale.  D'ailleurs il n'a pas l'air commode avec son survêtement et son sweat à capuche.  Il m'énerve. Heureusement, il descendra en centre-ville.

Le centre ville, un lieu d'échange, beaucoup de gens descendent, mais aussi beaucoup de personnes montent. Parmi eux, cette maman qui monte par l'arrière du bus parce qu'elle a une poussette énorme et remplie comme un chariot, avec  un bébé dedans. Cette si charmante créature qui ne va pas s'arrêter de hurler pendant cinq minutes pour on ne sait trop quelle raison. Ca énerve tout le monde, mais après tout « il est tellement mignon qu'on ne peut pas lui en vouloir ».
Il suffit juste d'avoir les nerfs bien accrochés, ou le baladeur à fond, comme le gars avec son t-shirt de Metallica, ses cheveux longs et gras et son pantalon tout troué. D'ailleurs c'est bien, il me fait profiter de sa musique depuis le début du trajet.

Je vais aussi pouvoir profiter du  groupe d'adolescentes qui sortent de l'école, avec leurs sac-à-dos remplis au point d'éclater.  Elles sont surexcitées en parlant de la dernière popstar en vogue parce qu'il « est trop canon », amenant la preuve de ce qu'elles disent en se montrant mutuellement les photos dans les magazines.  J'écoute aussi distraitement ces 3 gamins qui parlent du dernier épisode de Yu-gi-oh  « T'as vu la dernière carte qu'il a sorti, il est trop fort, mais de toutes façons ces cartes, elles sont trop rares, et on les aura jamais ».

Durant mon trajet,  j'ai également profité de la conversation téléphonique de la fille qui « reste scotchée de savoir que Romain sort avec Karine, qui est la meilleure amie de Laurie, son ex», et dont je connais à peu près toute la vie parce qu'elle parle fort dans son téléphone.

Le bus s'arrête et redémarre. « Excusez-moi, pardon, la porte s'il vous plaît ! » Visiblement, celui-là s'est aperçu un peu tard qu'il devait descendre, tant pis, il s'arrêtera au prochain arrêt, là où un couple de lycéen montera…. Ils sont mignons. On voit qu'ils ne sont ensemble que depuis peu. Enfin ils sont restés mignon jusqu'au moment où ils ont trouvé deux sièges de libres. A ce moment là tout le bus a eu le droit à une démonstration de dix minutes sur le french kiss.

A mon arrêt, des gens qui descendent, les ados, les petits pépés et le petit couple de lycéens… Et moi, qui ai passé environ vingt minutes à observer cette micro société réunie le temps d'un trajet.